Les Grandes Personnes

De Marie N’Diaye

Mise en scène : Christophe Perton

Création au théâtre de la Colline – mars 2011

 

 


Un homme coupable d’un crime impardonnable se change en oiseau et s’envole par-dessus nos têtes, à nous, les spectateurs. Des parents désertés par leurs enfants se demandent quelle faute ils ont bien pu commettre.  Des enfants, morts ou vivants, sortis de leur ventre, retournés au silence, qui se tuent, puis se mettent à parler, ou encore tuent en secret. Autour d’eux, en eux, des spectres. Au-dessus d’eux, juste au-dessus du plateau, des oiseaux.

 

La création des Grandes Personnes à la Colline est née d’une commande de Christophe Perton, de son envie de mettre en scène l’histoire de deux couples, une histoire assez banale, somme toute, l’un a réussi, l’autre pas. Leur origine commune, populaire, les tient encore ensemble, à sa manière. À moins que ce ne soit autre chose.

Oui, il s’agit ici des histoires de famille, cette zone d’omerta où chacun trouve son compte, à moins que les bien connus secrets assassins ne se répandent soudain en acte irréparable, en fuite incompréhensible, en cris inaudibles. Ce qui est mort et enterré ressurgit. Alors se mettent à remuer les fantômes du passé, les fantasmes des autres, les non-dits enfouis sous les on dit. On avoue et on ressuscite le nous, le seul qui relie (et non pas délit) car il est parvenu à la bonne adresse (à vous). Par-delà, les oiseaux, l’état de grâce de chaque âme, chaque être qui veut bien faire et peine sur cette terre.

Et comme tout cela nous concerne, car nous tous nous sommes là aussi, que nous le voulions ou non, avec nos familles, nous éprouvons avec les protagonistes la force des émotions, la gratitude des explications, un sentiment de reconnaissance et d’existence. Comme l’écrit Marie N’Diaye, ce qui n’est pas dit ne peut exister. Ce théâtre-là donne corps, rend voix (à nous).

 

La pièce nous expose la question de la filiation – comment est-on soi-même quand on naît de quelqu’un d’autre ? – et les différents chemins qu’elle emprunte parfois – l’adoption : comment naît-on à soi-même quand on est de quelqu’un d’autre ? Et la question va jusqu’au supplice : quel genre de monstres sommes-nous pour engendrer celui-ci, le pédophile ? Quand, dans la vie, la pudeur a été bafouée, la scène en appelle à la retenue. Si l’amour peut se faire dévorant – et la pièce devait à l’origine s’appeler Les Ogres -, la juste distance semble avoir été trouvée dans cette interprétation qui rejoint l’écriture et délivre son (complexe) message avec simplicité (pari tenu).  Celui-ci nous touchera, ou non. En tout cas, il aura fait son office.

 

Ce soir encore, la Gorgone a dénoué son nœud !

  

 

Cécile-Fleur

 

 

(Article écrit lors de l'atelier organisé par le théâtre de la Colline

et la bibliothèque Elsa Triolet à Pantin - avril 2011) 

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